Dans Récit d’enfance : leur passé d’aujourd’hui, nous partons à la rencontre de personnes pour les questionner sur leur enfance et leur éducation. Au travers de six questions simples, nous avons interrogé plusieurs dizaines d’hommes et de femmes. L’occasion, à chaque entretien, de découvrir le passé de l’invité et son influence sur son présent.
Aujourd’hui, nous partons à la rencontre d’Odile – 93 ans. Nostalgique de son époque, elle prend du recul sur son enfance pour la resituer dans le contexte de sa jeunesse. Le respect, la rigueur sont ses maître-mots.
Les entretiens sont retranscrits dans leur intégralité : nous avons pris le parti de conserver les mots choisis par les narrateurs… et parfois leur franc-parler !
Odile – 93 ans
5 mots : Quels sont les cinq mots qui décrivent votre enfance, et pourquoi ?
Quand je suis née, j’ai été élevée par mon père, et par ma mère. Je vivais à la campagne. On a eu une éducation tout à fait traditionnelle. On ne souffrait de rien. Nous étions très heureux en compagnie de nos parents.
Mes parents étaient catholiques alors, on allait à l’église et au catéchisme.
J’ai eu une enfance heureuse. On se retrouvait entre cousins et voisins, éduqués de la même manière, on s’entendait très bien. Il n’y avait pas de bagarre, mais une harmonie. Je savais ce que je voulais. On pouvait discuter avec les parents et si j’avais tort, ils m’expliquaient pourquoi.
Je n’avais pas forcément de passions, ce n’est pas comme maintenant où l’on peut en avoir à foison : par exemple, il n’y avait pas autant de sport, juste un peu du vélo peut-être.
Je passais beaucoup de temps en famille : c’était l’amitié en famille.
Pendant la guerre, j’étais avec mes parents, nous étions dans une ferme. On n’a pas subi les bombardements, mais on les entendait bien. Nous habitions près du Havre. On a hébergé beaucoup de havrais qui voulaient échapper aux bombes.
Je me souviens de l’hospitalité que nous avions envers eux, cette hospitalité était une caractéristique des gens qui vivaient à la campagne : nous l’étions plus que les citadins.
Après la guerre, en grandissant, j’ai eu envie de quitter ma famille pour vivre ma propre vie. J’étais au lycée lorsque j’ai eu cette envie de liberté. C’est ce que j’ai fait. Je suis partie. J’ai commencé à faire des stages dans des librairies. Par la suite, je suis devenue libraire.
Regret : Est-ce qu’il y a une chose que vous auriez voulu changer à votre enfance ?
Je trouve que la rigueur que les parents avaient avec leurs enfants était très bien, mais cela ne les laissait pas s’épanouir suffisamment : ils étaient jugulés par les parents. Personnellement, je n’en ai pas souffert, mais c’est ce que j’ai constaté autour de moi et dans la société. Dans certain cas, les enfants devenaient presque l’esclave des parents. Il n’y avait pas de discussion possible, l’autorité était très forte. Les professeurs étaient aussi rigoureux que les parents.
Éducation : Quelle critique positive et/ou négative pouvez-vous faire de votre éducation ?
Mes parents souhaitaient que mon frère et moi ayons une situation honorable une fois majeur. Ils faisaient tout pour que nous ayons un avenir. J’avais une complicité plus forte avec mon père. On allait faire des petites promenades ensemble. Quelques fois, nous décidions de faire des choses ensemble, sans en parler à ma mère. Je m’arrangeais toujours avec mon père pour faire changer l’opinion de ma mère, car elle était plus sévère.
De façon générale, je trouve que les enfants obéissaient plus aux parents : il y avait une éthique qui était installée par eux et on n’avait qu’à obéir. Le résultat est que tout le monde réussissait, alors que maintenant les enfants sont livrés à eux-mêmes, et ils font n’importe quoi. C’est dommage, parce que les petits voyous qui font des insanités, s’ils étaient mieux élevés, ils deviendraient corrects. Durant ma génération, les enfants étaient bien éduqués, maintenant plus trop.
Personnalité : Y a-t-il un trait de votre caractère qui est une conséquence de votre vécu durant votre enfance ?
On peut dire que j’aime avoir de la rigueur dans les choses que je fais, et j’aime toujours apprendre des nouvelles choses. Mes parents nous ont inculqués la rigueur et cela fait partie de moi maintenant.
Transmission : Quelles choses pensez-vous avoir transmis à vos enfants de votre propre éducation et lesquelles sont différentes ?
J’ai transmis à mon fils l’éducation que j’ai eue, et je crois qu’il l’a appréciée. Je lui ai appris à toujours respecter les autres, quelle que soit leur position sociale.
Anecdotes : Avez-vous un souvenir, une anecdote de votre enfance à raconter ?
C’est difficile à mon âge de raconter un souvenir de son enfance…
Pour aller plus loin :
L’entretien a été réalisé en partenariat avec Notre passé d’aujourd’hui, projet qui porte des valeurs semblables à celles d’Entoureo.
Dans le cadre de son projet de livre en cours d’écriture depuis 2018, intitulé Notre passé d’aujourd’hui, Rosemitha Pimont, âgée de 20 ans, a réalisé une centaine d’interviews pour recueillir une multitude d’histoires de vie. Son objectif est de raviver, à travers six questions, les souvenirs de notre enfance, les caractéristiques de notre éducation, afin de voir l’impact de notre passé sur notre personnalité, notre présent.
Les personnes interviewées sont âgées de 15 à 101 ans, proviennent des quatre coins du monde et sont de milieux socioculturels divers. Une émission de radio sous le nom de Notre passé d’aujourd’hui, issue du même projet, est déjà disponible.