Le buste de Cicéron

Cicéron : la vieillesse, une affaire de vision

Cicéron disait que "seuls les sots se lamentent de vieillir". Dans son œuvre la plus connue, Savoir Vieillir, Cicéron fait l'éloge de la vieillesse et nous invite, dans ce même traité, à "apprendre à vieillir". Découvrons ensemble la vision du philosophe et ce que nous pouvons tirer de ses écrits, rédigés il y a plus de deux millénaires, et qui ont malgré tout su traverser les âges pour être encore d'actualité aujourd'hui.

Tout d'abord... qui est Cicéron ?

Cicéron est un homme d’État romain et un célèbre auteur romain du 1er siècle avant JC. Il vient d’une famille aisée et respectée, il étudie dès son plus jeune âge la philosophie grecque et exerce la profession d’avocat dès 80 avant J-C. Il est un grand orateur, politicien et philosophe. Cicéron meurt assassiné sur ordre de Marc-Antoine.

Le stoïcisme

Cicéron s’inscrit dans le stoïcisme. Dans ce courant, le bonheur désigne l’indépendance vis-à-vis des circonstances extérieures et le détachement à l’égard des choses. Ce détachement s’opère via la maîtrise de nos représentations. C’est une philosophie de la liberté intérieure.

La liberté désigne selon les stoïciens la puissance d’agir par soi-même au niveau de la pensée et du jugement. Ce qui dépend de nous, ce sont nos opinions et nos désirs. Ce qui ne dépend pas de nous, ce sont le corps, la réputation, les honneurs, les biens matériels.

Il y a tout de même dans la morale stoïcienne une sorte d’épicurisme qui nous invite malgré tout à nous adonner aux distractions.

Quel est le lien avec la vision de la vieillesse ?

La vision de l’âge de Cicéron

Lorsqu’il écrit son traité, Bien vieillir, Cicéron a 63 ans, ce qui est un âge très avancé pour l’époque (selon les sources, l’espérance de vie à l’époque est de 25-30 ans). Malgré les nombreux siècles qui nous séparent de cet écrit, il nous interroge sur la façon dont nous vieillissons dans notre société et nous renvoie à des questions actuelles.

Cicéron, alors qu’il a l’impression d’être devenu inutile en politique et qu’il vient de perdre sa fille, exhorte les jeunes à philosopher pour mettre de côté les effets supposément négatifs du vieillissement. Pour lui, il y a même une certaine gloire à vieillir.

La santé et la vigueur ne sont pas qu’une question d’âge pour lui. L’expérience accumulée rend la vigueur encore plus impressionnante. La vieillesse n’est pas le temps de l’inactivité, mais du changement de l’activité. Suivant les idées stoïciennes, il distingue ce qui dépend de nous ou non, pour se libérer de nos peurs.

Le traité de Cicéron reprend ainsi 4 raisons qui amènent à trouver la vieillesse détestable et il s’y oppose en pointant leurs limites. Voyons de plus près ces 4 points.

Le grand âge écarte de la vie active

Les personnes âgées ont selon lui un poids considérable dans le conseil. Si la jeunesse possède la force et la rapidité, la vieillesse détient la sagesse, la clairvoyance, le discernement. Ces vertus ont besoin de temps pour être cultivées. La jeunesse exécute bien, mais ne voit pas toujours bien. En cela, les anciens ne sont pas écartés de la vie active, car ils ont le rôle de guide pour la communauté.

La vieillesse affaiblit notre corps

Cicéron ne dément pas cette affirmation, mais prend néanmoins de la hauteur. Nous sommes dotés d’un corps avec des moyens, ces moyens varient en fonction de la taille, de la résistance, … Tout cela est donné dès la naissance. La force et la résistance du corps est alors de toute façon inégalitaire, pas uniquement chez les personnes âgées.

Il déplore aussi le fait que la force d’un corps ne se mesure qu’en muscle. Si quelqu’un a passé sa vie à entretenir ses muscles, le jour où il n’en a plus, est-il ainsi mort ? Cela n’a pas de sens pour Cicéron, le muscle ne suffit pas à construire un homme.

Il n’y a pas besoin de force musculaire pour enseigner aux jeunes. Cela nécessite une autre force : celle de l’esprit.

La vieillesse prive de plaisir

Pour Cicéron, heureusement que l’âge nous détache du plaisir, de cette passion obsessive, qui brouille l’esprit, rend la raison confuse. Il revient sur les banquets de jeunesse où finalement, on est ivres, et l’on souffre ensuite d’indigestion, d’insomnie. En vieillissant, on fait des repas où l’on met au centre la conversation. La conversation fait partie du plaisir, le plaisir d’apprendre et de partager.

Le grand âge nous rapproche de la mort

Il répond en affirmant que la mort est toujours proche de nous, pas forcément dans le temps. Nous avons un temps qui est compté, il est forcément compté. La jeunesse et la vieillesse sont toutes deux frappées par la mort. Deux attitudes s’offrent alors à nous : soit mépriser la mort, car tout va disparaitre, même notre corps. Soit, si l’on est croyant, être soulagé, puisque la mort délivre de la condition humaine qui n’est pas tous les jours faciles.

La jeunesse aspire à une longue vie : c’est un rêve. De son côté, le vieillard l’a vécue, il a vécu la satiété : il peut mourir. L’auteur utilise une image pour refléter ces deux moments de vie : la jeunesse est comme le printemps, le moment où les choses poussent, la vieillesse est pareille à l’automne : c’est le moment de la récolte.

Pour aller plus loin :

Si cet article vous a intéressé, Thibaut de Saint-Maurice évoque l'histoire de Cicéron dans son émission La Petite Philo disponible en podcast sur France Inter. La chronique porte sur le thème suivant : Faut-il avoir peur de vieillir ?


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