Dans Récit d’enfance : leur passé d’aujourd’hui, nous partons à la rencontre de personnes pour les questionner sur leur enfance et leur éducation. Au travers de six questions simples, nous avons interrogé plusieurs dizaines d’hommes et de femmes. L’occasion, à chaque entretien, de découvrir le passé de l’invité et son influence sur son présent.
Aujourd’hui, nous allons à la rencontre d’Annie – 83 ans. Enfant durant la Seconde guerre mondiale, elle est marquée par l’obligation de rester enfermée chez elle durant plusieurs mois.
Les entretiens sont retranscrits dans leur intégralité : nous avons pris le parti de conserver les mots choisis par les narrateurs… et parfois leur franc-parler !
Annie – 83 ans
Cinq mots : Quels sont les cinq mots qui décrivent votre enfance, et pourquoi ?
Heureuse… J’ai toujours été très heureuse avec mes parents. J’étais très cajolée, enfin, ils étaient à mon écoute.
Évidemment, mon enfance a été marquée par la guerre.
Limité… En raison de la guerre justement, je ne pouvais pas sortir de chez moi, je restais donc enfermée. Je pouvais aller dans le jardin, mais pas à l’extérieur, pas dans la rue.
J’ai été très heureuse à la naissance de mon frère. J’avais treize ans et demi, et je m’en suis énormément occupée.
Je n’avais pas d’amis, j’ai toujours été très solitaire.
Regret : Est-ce qu’il y a une chose que vous auriez voulu changer à votre enfance ?
Mon grand regret, c’est ma formation professionnelle. J’aurais aimé être puéricultrice, m’occuper des bébés. À la place, j’ai fait des études de secrétariat.
Éducation : Quelle critique positive et/ou négative pouvez-vous faire de votre éducation ?
Je n’ai pas de critique négative à faire. C’était une autre forme d’éducation. À l’époque, on n’avait pas toutes les libertés, ni tout ce que l’on pouvait avoir maintenant, mais ce n’est pas plus mal. Je ne regrette pas.
Personnalité : Y a-t-il un trait de votre caractère qui est une conséquence de votre vécu durant votre enfance ?
Tout à fait ! Je suis très renfermée et n’aime pas le contact avec les gens, et je pense que c’est la conséquence du fait que j’ai été privée de liberté durant plusieurs mois, lors de la guerre. Je suis persuadée que c’en est la cause.
Transmission : Quelles choses pensez-vous avoir transmis à vos enfants de votre propre éducation et lesquelles sont différentes ?
Je pense leur avoir transmis la même éducation que celle que j’ai reçue. Je ne vois pas en quoi cela diffère, si ce n’est que leur éducation scolaire a été plus poussée que moi, car je suis allée jusqu’au brevet, puis j’ai fait une formation de secrétariat, alors que mes enfants, eux, ont eu d’autres possibilités, qui n’existaient pas à mon époque.
Concernant les valeurs, je pense que je leur ai transmis l’honnêteté, le travail et le respect des autres.
Anecdotes : Avez-vous un souvenir, une anecdote de votre enfance à raconter ?
Toujours en lien avec la guerre, au Havre, lorsque toutes les usines de pétroles ont brûlé, en plein milieu de la journée, il faisait quasiment nuit à cause de la fumée. L’éclipse de lune, en 1999, m’a fait revivre cette ambiance-là, car à deux heures de l’après-midi, il faisait nuit comme il fait nuit à six heures du soir, en hiver.
Pour aller plus loin :
L’entretien a été réalisé en partenariat avec Notre passé d’aujourd’hui, projet qui porte des valeurs semblables à celles d’Entoureo.
Dans le cadre de son projet de livre en cours d’écriture depuis 2018, intitulé Notre passé d’aujourd’hui, Rosemitha Pimont, âgée de 20 ans, a réalisé une centaine d’interviews pour recueillir une multitude d’histoires de vie. Son objectif est de raviver, à travers six questions, les souvenirs de notre enfance, les caractéristiques de notre éducation, afin de voir l’impact de notre passé sur notre personnalité, notre présent.
Les personnes interviewées sont âgées de 15 à 101 ans, proviennent des quatre coins du monde et sont de milieux socioculturels divers. Une émission de radio sous le nom de Notre passé d’aujourd’hui, issue du même projet, est déjà disponible.